Donner forme à son regard. Territoire du singulier.
Cette pratique du regard, du voir ensemble, est liée à une pratique artistique de réalisation qui offre la liberté pour chacun de sortir des modes de représentation dominants et de trouver sa propre image ou son image juste.
Elle met en œuvre des projets qui s’ancrent dans un désir formulé par les participants et où chacun, dans un mouvement collectif, fera l’expérience de fabriquer son propre film.
Il s’agit alors de mener un travail d’exploration des écritures et de rechercher les formes d’expression les plus pertinentes et appropriées en favorisant toutes les dimensions sonores et visuelles pour pro-duire un langage.
L’expérimentation, tout en introduisant la notion de plaisir, va activer l’analyse et la pratique du langage audiovisuel pour permettre aux participants d’aller jusqu’au bout de leurs choix d’écritures et se risquer à montrer des images singulières, que seul ceux qui les fabriquent (auteurs ou spectateurs), voient les yeux fermés.
L’espace artistique contribue à établir des passerelles entre son espace sensible de chacun et la réali-té extérieure. Il permet de voyager dans son intérieur, y habiter et prendre place en créant des passa-ges entre dedans et dehors, le champ et le hors champ.
C’est le temps de faire l’expérience du trajet à parcourir pour réaliser l’acte de transformation : le pas-sage de la découverte d’une nécessité intime, le “dire à soi” qui bouleverse, à sa représentation, le “dire à l’autre” qui questionne.
Pensée, fabriquée, montée, regardée… à chaque étape, l’image révèle un regard singulier parce qu’elle naît de la construction des identités individuelles et collectives. Elle est une projection vivante, mouvante du point de vue de celui qui la fabrique mais aussi de celui qui la regarde. Chacun expéri-mente ce qui fait sens et explore son rapport intime dans l’image.
L’enjeu est de redéfinir et de réaffirmer en quoi l’art de représenter le réel nous implique, nous concerne et construit l’individu en tant que sujet dans la communauté.
Singuliers parce qu’ils sortent des schémas conventionnels de fabrication, ces films, nommés com-munément “films d’atelier”, nous reconduisent pourtant vers les origines du cinéma, point de rencontre et de connexion magnifique entre les hommes, le monde.
Ce sont des films qui portent l’expérience de leur fabrication. Des films capables de brouiller les traces de l’auteur pour privilégier une mise en commun d’expériences individuelles permettant la constitution d’une expérience collective.
Des films qui révèlent la fragilité des premiers pas vers l’acte de mise en forme d’un regard.
Chacun de nous, apprenti ou cinéaste, est porteur d’un monde qui dessine tous les possibles d’une construction commune.
Une manière aussi d’interroger le cinéma, de déplacer les regards pour en inventer d’autres.