L’objectif des Yeux de l’Ouïe, quant à la programmation, est de privilégier les œuvres rendant compte d’une démarche ou d’une écriture originale, et surtout de présenter des formes audiovisuelles moins familières, plus rarement diffusées par les médias grand public.
Ces diffusions ont pour but d’introduire le plus large public dans des univers sonores et visuels rares, de montrer que l’on peut être spectateur autrement grâce à un dispositif ouvert et convivial et de susciter des rencontres, d’inviter les artistes, afin d’interroger, d’accompagner et de révéler le potentiel critique de chaque spectateur.
Parallèlement à l’organisation d’une manifestation annuelle « Les Yeux la Nuit », nuit vidéo qui se déroule au mois de juin, Les Yeux de l’Ouïe favorise les rendez-vous réguliers afin de diversifier les programmations et de fidéliser le public le plus large.
Tableau avec Chutes de Claudio Pazienza
Belgique – 1997 – 103 mn
Séance en présence du réalisateur
Ce film est une enquête autour du tableau Paysage avec la chute d’Icare de Brueghel, qui amène le réalisateur à se poser d’innombrables questions, et en particulier : Qu’est-ce que regarder ? ou Qu’est-ce qui empêche de voir ? ou encore Qu’est-ce qu’un point de vue ? Pazienza interroge inlassablement ses parents, des voisins, des passants mais aussi des philosophes, des chômeurs, des psychanalystes, des hommes politiques, des historiens de l’art… L’autopsie du tableau donne à voir un territoire, la Belgique, mais aussi une époque, celle de la fin des années 1990. Pazienza filme avec un humour surréaliste, entre autobiographie et œuvre documentaire.
Claudio Pazienza provoque chez le spectateur autant de questionnements que de jubilation. En 1985, son mémoire de fin d’études en ethnologie européenne portait sur les « Structures narratives dans les contes facétieux de Straparola », et c’est bien ce qu’il est devenu lui-même par la suite : un conteur facétieux !
Claudio Pazienza est aussi l’homme des paradoxes, on en devient à peu près sûr quand il déclare en 2005, dans un entretien à la Lettre de Films en Bretagne, « En tant que documentariste, la réalité ne m’intéresse pas »… De la même manière, Tableau avec chutes pourrait être contenu dans cette citation de Merleau-Ponty évoquée par un des personnages : « Pour voir il faut avoir un point de vue, tout point de vue limite la vue et sans point de vue on ne voit rien du tout ».